Bottes de pluie
L’œuvre « Bottes de pluie » est ma toute première œuvre d’art public. Je suis chanceux parce qu’elle est dans ma ville, Montréal, et qu’elle prend place devant une bibliothèque, la Bibliothèque Maisonneuve dans le quartier Hochelaga au coin des rues Pie IX et Ontario. |
Une paire de bottes en bronze est juchée sur un piédestal en granit. Les bottes sont remplies d'une eau agitée d'un petit bouillon qui déborde parfois et leur coule le long des mollets. Toutes les 5 minutes environ, un mince jet vertical s'élève à trois pieds au-dessus de l'une ou l'autre des bottes, pendant quelques secondes, puis leur retombe dessus, selon le principe de l'arroseur arrosé. Un nouveau cycle recommence alors : petit bouillon... débordement... éruption... Et ainsi de suite. |
Extrait de la prise de parole lors de l'inauguration, le 9 juin 2023 : Une fontaine c’est un événement heureux. Ça a quelque chose de géographique. C’est comme une petite rivière qu’on ne se lasserait jamais de regarder. C’est un lieu de rassemblement presque instinctif. J’aime imaginer que des habitants du quartier vont se dire : « on se donne rendez-vous devant les bottes. » sans avoir à en préciser la localisation, juste parce que c'est une évidence. Je voulais que la fontaine donne l'impression qu'elle a toujours été là. Qu'elle s'intègre dans le paysage comme une évidence. Je me suis donc inspiré de l’ancien Hôtel-de-ville de Maisonneuve en utilisant la même pierre, la St-Marc, caractéristique de Montréal. Je me suis inspiré aussi du dessin des socles classiques tels qu'on les trouve ailleurs dans la ville. Mais au-delà du classicisme des matériaux, pour que la fontaine s’intègre bien dans le quartier, il fallait la rendre facilement appropriable, imaginer un scénario ludique, minimal mais aux potentialités de rêverie infinies. Dans un premier temps, j’ai pensé aux enfants qui vont être les utilisateurs principaux de cette aile de la bibliothèque. À ce premier public, j’avais envie de proposer un petit jeu simple en forme de paradoxe. Quoi de plus enchanteur qu’un bon paradoxe ? Alors ma première proposition a été la suivante : on met des bottes pour avoir les pieds au sec, mais quand on pense à des bottes, on pense « mouillé ». La tension dialectique entre le sec et le mouillé, c’est l’équation de base de la fontaine, sa formule chimique. À un deuxième niveau, j’avais en tête toutes les statues qui sont aujourd’hui contestées dans les villes en prise avec la déconstruction de leur passé colonial. Pour ces villes, que faire de ces monuments? C’est un casse-tête. Alors j’ai imaginé un monument qui contiendrait le système de son auto-contestation. Il s’auto-vandalise. Sa présence se matérialise par une absence : le grand homme n’est plus là, il ne reste que ses bottes. |
Remerciements : Lucie Paquet (modélisation 3D et implantation) ; Christian de Massy (rendus et textures) ; Fred Burrogano (Impression 3D, maquette) ; Jules Lasalle (sculpture, moules et prototype en cire) ; Atelier du Bronze à Inverness ; Alex Maquet (taille de pierre) ; Pierre Girard (système mécanique) ; Louis Barrette et Vivien Paulucci de M&B Métalliers (construction de la structure, installation sur le site et assistance morale tout le long du processus). |
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